FABRICATION DES APPAREILS


Les qualités requises de ces appareils, tant au point de vue conservation que lisibilité des inscriptions, ont amené Michelin à adopter ces deux éléments distincts :

- La lave émaillée qui fournit les plaques destinées à recevoir les indications destinées aux automobilistes ;

- Le béton armé qui, servant de support de ces plaques, constitue le corps même des appareils.


La lave sort des volcans à l'état pâteux et parfois presque liquide ; elle se refroidit peu à peu au cours des ans pour donner une pierre durable, non friable et rigoureusement inattaquable aux intempéries. Abondante dans le Massif Central où elle a été autrefois répandue par les volcans d'Auvergne, elle est, depuis longtemps utilisée en construction et pour l'industrie chimique (cuves, etc...).

Bien avant la circulation automobile, elle fut émaillée et utilisée pour la fabrication de plaques de signalisation celles de certaines rues, telle la rue Saint-Louis-en-l'IIe, à Paris, où une plaque, posée en 1828, est encore intacte, neuve ! C'est que la lave permet des inscriptions d'une durée pratiquement infinie, l'émail y adhérant parfaitement et n'éclatant pas au choc sur ce support. La mise à nue partielle de la lave, indifférente aux intempéries, ne nuit d'ailleurs pas à la conservation de la plaque.

Rethel - Place de la République

Ce ne fut qu'en 1928, à la suite de longs et nombreux essais, que fut industrialisée la production des plaques en lave émaillée. Des carrières, les blocs de lave arrivent maintenant, équarris, à l'usine où ils sont débités en dalles grasses, par une machine à scier à laquelle ils sont fixés solidement. Ce sciage est très lent, vu la dureté exceptionnelle de la lave qui ne permet une avance que de 5 millimètres à l’heure au maximum ; il s'effectue au moyen d'un mélange d'eau et de grés de Fontainebleau, soigneusement dosé, qui use la lave au moyen de lames d'acier montées sur un châssis.

Ce sciage multiple permet par contre d'obtenir, en une seule opération, 500 plaques de lave d'environ 15 mm d'épaisseur ; des meules au carborundurn, fonctionnant sous un double jet d'eau, les débitent ensuite au format voulu. Après nettoyage à la vapeur, elles sont rendues parfaitement lisses grâce à un mastic spécial, puis étuvées pour enlever toute trace d'humidité.

A l'atelier d'émaillage, une couche d'émail blanc est d'abord répandue, au pistolet à air comprimé, sur toute la surface. Dans des fours électriques à température maintenue constante, grâce à un thermostat coupant ou rétablissant le courant aux températures maxima et minima préalablement choisies, l'émail ainsi appliqué entre en fusion à environ 900°. Lorsque cette fusion est complète, les plaques sont retirées du four, refroidies, puis acheminées à nouveau vers l’atelier d'émaillage.

Là, l'émail bleu foncé, ou rouge, est appliqué sur la première couche maintenant durcie. A l'aide d'une brosse métallique, on enlève l'excès d'émail bleu, sauf aux endroits préalablement protégés par des pochoirs et qui correspondent aux lettres ou signes que l'on désire faire figurer sur la plaque. A l’atelier de cuisson, la plaque est à nouveau traitée ainsi qu'indiqué ci-dessus afin de durcir la dernière application d'émail.

Pendant ce travail, un atelier spécial prépare les supports en béton armé. Le béton, au dosage de 400 kgs de superciment, gros sable de Loire et petits gravillons ou mignonnettes, est confectionné dans une bétonnière située au centre de l'atelier. Il est ensuite évacué, dans un wagonnet muni d'une hélice, destinée à brasser le mélange et à en maintenir l'homogénéité, jusqu'à portée de fosses creusées dans le sol et constituant les moules des appareils à fabriquer.

Les plaques destinées à chacun des appareils ont été amenées à proximité. Elles sont déposées dans les moules, à l’emplacement qu'elles devront occuper sur l'appareil achevé. On coule le béton, le scellement des plaques se fait automatiquement au cours de la prise et tout sera parfaitement homogène.

On laisse pendant 24 heures environ le béton effectuer sa prise dans les moules. Les appareils sont ensuite démoulés, extraits de la fosse dans laquelle ils ont été coulés, à l'aide d'un palan électrique. Un monorail les emmène ensuite à l'atelier de finition où s'achève le séchage ; un nettoyage précède une première couche de peinture blanche recouvrant le béton sur la face antérieure des appareils.

Puis, c'est l'évacuation vers le parc de stockage, le long des voies ferrées, et le chargement sur les wagons qui ravitailleront les équipes chargées de la pose.

POSE DES APPAREILS


Ces équipes sont dotées d’un camion muni d'une grue qui sert au levage et aux manipulations des appareils. On se rend compte, d'après les photos que nous reproduisons, de l’aisance avec laquelle sont amenés les appareils, ou leurs pièces constituantes à l'endroit même où ils doivent être installés. L'une de ces photographies représente la pose d'un lourd mur double, tout près du Pont des Deux-Villes, à Charleville : le panneau, amené par la grue, va être vissé sur les poteaux déjà déposés ; un second panneau sera ensuite fixé de même façon sur le poteau central et sur un troisième qui complétera l'appareil ; les joints seront achevés au ciment.

L'aménagement de ces camions est étudié en vue de faciliter les diverses opérations. Tout y est à portée de la main, ciment et eau que le décrochage d'un tuyau de caoutchouc suffit à verser en quantité voulue ; aussi, 25 minutes suffisent-elles à la préparation du béton, au placement d'une borne, à son orientation, à la vérification de son aplomb, à l'achèvement d'un massif de béton au pied de l'appareil, enfin, à son nettoyage et à l'application d'une dernière couche de peinture blanche.

Transportant sur leur camion, dans leur ordre de pose, les divers appareils à installer dans une même ville, une seule équipe a pu ainsi achever en deux jours la signalisation complète de Sedan, en un jour et demi celle de Rethel, en 24 heures celle de Vouziers.

A de très rares exceptions près, tous les panneaux fabriqués par Michelin sont datés avec précision. En effet, une mention manuscrite sous la forme “jour mois année” est inscrite sur l’émail du panneau, généralement en bas, à droite ou à gauche.

Sur certains panneaux (ceux destinés à être posés à un endroit précis) figure également en caractères manuscrits un code identifiant l’implantation.

A partir des années 1960, le support en béton armé est également daté au dos. Cette datation se présente sous la forme d’un tampon moulé en relief dans le béton. Ce tampon représente le “bibendum” encadrant avec ses bras un cartouche contenant soit la date précise de la fabrication, soit uniquement l’année. Ce tampon n’est pas toujours parfaitement lisible en raison de la dégradation du béton. Mais la comparaison des deux dates (celle de l’émail et celle du support) permet de constater qu’il y a souvent plusieurs mois d’écart entre les deux.